Dans un miroir - Chemin de Lumière

Je fais une prière muette devant un dieu indifférent. Il me répond avec des battements d’ailes de papillons. Il me dit que la prière et l’effet sont insignifiants.

Je pleure les larmes d’un enfant apeuré. Il me toise avec des yeux bleus et me renvoi un sourire narquois, estompé par une lèvre déchiquetée. Ses larmes ont déjà séché.

Je crie l’écho de l’hurlement d’une femme violée. Elle me voile la voix d’un drap blanc sur son corps enseveli. Les cris violent la quiétude d’un vol de nuit.

Je cours sur les champs de blés brulés, usurpés par l’étranger. Les épis me frôlent les pieds, entaillent de leur suc mon âme embrasée. Le vent fait taire le feu, l’eau est épuisée.

Je disperse sur le sable les photos de famille, le père est absent, le grand père agonisant, mon cœur orphelin. Ils sont tous là, gravés sur une écorce d’un arbre sans fruits.

Je souri à un fantôme sifflotant sur la colline. Il sculpte une maison ruinée et s’enfuit. Sur les murs, une peinture rouge et quelques rires méchants.

Je m’habille de la sueur d’un homme. Il cherche l’enfant, berce la femme, pense au grand-père agonisant, cultive les épis parsemés, croule sous les ruines de la maison.

Je me regarde dans un miroir, prie, pleure, crie, souri, m’enfui en courant. Je disperse çà et là quelques goutes de sang.

Je me meurs. Je revis. Je suis.

Je suis le dieu et l’enfant, la femme et l’homme, les épis de blés, un fantôme.

3 comments:

Yugurta said...

Fascinante à en être inquiétante !Je te lis en me lissant la moustache, tache à laquelle je tiens se mirant dans la tâche que tu as fait tienne, celle d'attacher les lecteurs les plus exigeants, déjà empalés sur ton talent...
Impitoyable verve qui marie les élèments ennemis sans même leur demander leur avis...
Et personne ne pourra prétendre, pas même Ode "ou" sourire amer, que l'attente était désagréable !
Par un heureux hasard, nos mots se plagient mutuellement à notre insu et de telles coïncidences sont à faire valoir pour les marionnettes que nous sommes devenu(e)s entre les mains de nos plumes...
PS: Tu as accordé la suprématie à Eole, espèrons que "les autres" s'en accorderont... sachant que tu n'en as cure de toutes façons !
Merci pour la dose et pour le gigantesque effort que tu as fourni pour nous présenter ce mets olympien.

Chemin de Lumière said...

L’effort, tu le sais bien, est fourni par celle qui ferme les yeux et se laisse aller à l’emprise de tous les esprits qui l’habitent…ceux des enfants à qui on a dérobé l’innocence, ceux des femmes orphelines de leurs progénitures, ceux des Hommes se battant pour la dignité d’Etre. Au risque de vomir mes entrailles devant mon propre reflet je m’offre des fois à d’autres âmes errantes qui s’offrent le malin plaisir de se saisir de mes doigts.
On ne se plagie points, ce sont nos fantômes qui se retrouvent sur la même colline pour se concerter et dicter notre pensée.
Yugurta, Merci d’exister…je me sens moins seule.

Yugurta said...

Sur ce monticule, à chaque aurore de chacun de tes ventricules, tu digères La Vie, la tienne, la mienne et L'Autre...
C donc plutôt à l'"infâme lézard" de te présenter les moins obséqieux de ses remerciements pour la place par Toi preservée si prés de l'âtre.
Savoir que Tu n'es pas faite de plâtre, ressentir la danse de ton inertie, m'absorber dans les entrailles de ta façon d'Être, autant de bouées de signalisation, de phares pour les vaisseaux errants qui recouvrent l'envie de rentrer au port.
En tous cas, tous les deux, on n'hiberne plus !

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